Trou de mémoire-histoire des prisonniers de l’Est déportés en Moselle annexée entre 1941 et 1945


Russes, Ukrainiens, Polonais, Yougoslaves… Hommes, femmes, enfants… Par centaines de milliers, prisonniers de guerre ou civils raflés au hasard, ils ont été déportés pour servir de main-d’œuvre au champ, au laminoir ou dans les mines. En fait, partout où le Reich avait besoin de bras. Or le Reich, entre 1940 et 1945, c’est aussi la Moselle annexée. On estime aujourd’hui qu’au plus fort de l’effort de guerre allemand, un Mosellan sur sept était d’origine slave. À Châtel-Saint-Germain, au Ban-Saint-Jean et dans quelque 250 autres camps du Nord lorrain, ces untermenschen , ces « sous-hommes » selon la terminologie nazie, ont vécu, souffert, travaillé, aimé parfois pendant des mois. Ils sont morts aussi. Massivement : si les querelles de chiffres ne sont pas refermées, le total de 22 000 victimes est souvent avancé.
Passionné d’histoire sans pour autant revendiquer le statut de spécialiste, le journaliste et réalisateur lorrain Dominique Hennequin est tombé en arrêt devant la vitrine d’une librairie messine où était exposé l’ouvrage d’Olivier Jarrige, Christine Leclercq, Cédric Neveu et Alexandre Méaux, Trous de mémoire Éditions Serpenoise, 2011 . Un livre pionnier qui, le premier, explorait de manière globale et fouillée le destin de ces travailleurs de l’Est, on disait alors Ost Arbeiter. « J’ai eu immédiatement envie de faire un documentaire sur le sujet. Je suis mosellan, mes parents ont connu cette période. D’une certaine façon, j’ai baigné là-dedans depuis toujours », explique le réalisateur. Il se met au travail, avale une somme de documentation invraisemblable, multiplie les rencontres, avec l’historien Cédric Neveu notamment : « Son avis a beaucoup compté. Il n’est pas lorrain, il est jeune. Il porte sur la question un regard de chercheur, exempt de passion partisane, toujours soucieux d’équilibre ». Un recul précieux pour aborder une période tourmentée, un pan de l’histoire régionale qui résonne avec gravité et fait écho à la tragédie vécue par les populations mosellanes elles-mêmes.
Après cette phase de préparation, le film met plus d’une année à naître. En collaboration avec Olivier Jarrige, journaliste au Républicain Lorrain , qui a écrit le dossier d’auteur, Dominique Hennequin va vers de nombreux témoins survivants et filme autant de témoignages. Un travail de bénédictin au cours duquel les deux journalistes vont mettre en commun savoir-faire et idées complémentaires : « Au départ, j’ai servi de "fixeur" comme on dit, pour conduire Dominique sur les lieux, vers les bonnes personnes. Ce qui est bien, c’est qu’une fois ces cartes en main, il a pris l’initiative, notamment en piochant dans des archives dont j’ignorais l’existence. Il a aussi eu l’excellente idée de faire un appel aux familles et de filmer les objets soviétiques qui sont encore gardés comme souvenirs », explique l’auteur, Lorrain d’adoption depuis plus d’une quinzaine d’années.
Le fait de n’être pas un "natif" l’a peut-être initialement aidé à aborder son enquête sans a priori , même s’il reconnaît aujourd’hui que « Dominique s’est bien emparé du sujet. Parce que, justement, ça fait écho chez lui, dans son histoire personnelle. C’est sans doute la meilleure chose qui pouvait arriver : tomber sur un Mosellan qui décide que cette histoire est la sienne ». Une appropriation intime qu’admet le réalisateur dont la volonté avouée a été de « ressusciter » cette mémoire dans tous ses aspects, des plus difficiles aux plus quotidiens. Un travail lucide mettant en lumière les drames, les solidarités et… certains comportements moins héroïques ; présentant sans la juger l’attitude de populations elles-mêmes soumises au joug de l’occupant. Bref, l’histoire, mêlée à jamais, des Mosellans et des Ost Arbeiter.
Contre toutes attentes, les témoignages n’ont pas été difficiles à recueillir : « Ce qui a parfois été compliqué, c’est d’identifier les gens, de les retrouver. Cette étape passée, j’ai souvent été frappé par la clarté des souvenirs de certains témoins, des détails qui sont encore présents à leur esprit. Cela a souvent été poignant », raconte Dominique Hennequin. Poignant comme le récit de Firmin Schmitt se remémorant la noria des charrettes de cadavres près du Ban-Saint-Jean. Il avait 14 ans et voyait chaque jour les soldats mener ces sinistres chargements jusqu’aux fosses communes creusées à la hâte à un jet de pierre du « camp de la faim », l’un des principaux lieux de détention du territoire. Chaque année, depuis, cette terre-charnier continue de vomir quelques restes humains. Poignant comme aussi la découverte de toutes les traces laissées en forêt de Châtel-Saint-Germain : fondations maçonnées des baraquements, canalisations éventrées, vaisselles et pierres à eau d’anciens lavabos collectifs aujourd’hui mangés par le lierre et les racines.

Russes, Ukrainiens, Polonais, Yougoslaves… Hommes, femmes, enfants… Par centaines de milliers, prisonniers de guerre ou civils raflés au hasard, ils ont été déportés pour servir de main-d’œuvre au champ, au laminoir ou dans les mines. En fait, partout où le Reich avait besoin de bras. Or le Reich, entre 1940 et 1945, c’est aussi la Moselle annexée. On estime aujourd’hui qu’au plus fort de l’effort de guerre allemand, un Mosellan sur sept était d’origine slave. À Châtel-Saint-Germain, au Ban-Saint-Jean et dans quelque 250 autres camps du Nord lorrain, ces untermenschen , ces « sous-hommes » selon la terminologie nazie, ont vécu, souffert, travaillé, aimé parfois pendant des mois. Ils sont morts aussi. Massivement : si les querelles de chiffres ne sont pas refermées, le total de 22 000 victimes est souvent avancé. Passionné d’histoire sans pour autant revendiquer le statut de spécialiste, le journaliste et réalisateur lorrain Dominique Hennequin est tombé en arrêt devant la vitrine d’une librairie messine où était exposé l’ouvrage d’Olivier Jarrige, Christine Leclercq, Cédric Neveu et Alexandre Méaux, Trous de mémoire ( Éditions Serpenoise, 2011 ). Un livre pionnier qui, le premier, explorait de manière globale et fouillée le destin de ces travailleurs de l’Est, on disait alors Ost Arbeiter. « J’ai eu immédiatement envie de faire un documentaire sur le sujet. Je suis mosellan, mes parents ont connu cette période. D’une certaine façon, j’ai baigné là-dedans depuis toujours », explique le réalisateur. Il se met au travail, avale une somme de documentation invraisemblable, multiplie les rencontres, avec l’historien Cédric Neveu notamment : « Son avis a beaucoup compté. Il n’est pas lorrain, il est jeune. Il porte sur la question un regard de chercheur, exempt de passion partisane, toujours soucieux d’équilibre ». Un recul précieux pour aborder une période tourmentée, un pan de l’histoire régionale qui résonne avec gravité et fait écho à la tragédie vécue par les populations mosellanes elles-mêmes. Après cette phase de préparation, le film met plus d’une année à naître. En collaboration avec Olivier Jarrige, journaliste au Républicain Lorrain , qui a écrit le dossier d’auteur, Dominique Hennequin va vers de nombreux témoins survivants et filme autant de témoignages. Un travail de bénédictin au cours duquel les deux journalistes vont mettre en commun savoir-faire et idées complémentaires : « Au départ, j’ai servi de "fixeur" comme on dit, pour conduire Dominique sur les lieux, vers les bonnes personnes. Ce qui est bien, c’est qu’une fois ces cartes en main, il a pris l’initiative, notamment en piochant dans des archives dont j’ignorais l’existence. Il a aussi eu l’excellente idée de faire un appel aux familles et de filmer les objets soviétiques qui sont encore gardés comme souvenirs », explique l’auteur, Lorrain d’adoption depuis plus d’une quinzaine d’années. Le fait de n’être pas un "natif" l’a peut-être initialement aidé à aborder son enquête sans a priori , même s’il reconnaît aujourd’hui que « Dominique s’est bien emparé du sujet. Parce que, justement, ça fait écho chez lui, dans son histoire personnelle. C’est sans doute la meilleure chose qui pouvait arriver : tomber sur un Mosellan qui décide que cette histoire est la sienne ». Une appropriation intime qu’admet le réalisateur dont la volonté avouée a été de « ressusciter » cette mémoire dans tous ses aspects, des plus difficiles aux plus quotidiens. Un travail lucide mettant en lumière les drames, les solidarités et… certains comportements moins héroïques ; présentant sans la juger l’attitude de populations elles-mêmes soumises au joug de l’occupant. Bref, l’histoire, mêlée à jamais, des Mosellans et des Ost Arbeiter. Contre toutes attentes, les témoignages n’ont pas été difficiles à recueillir : « Ce qui a parfois été compliqué, c’est d’identifier les gens, de les retrouver. Cette étape passée, j’ai souvent été frappé par la clarté des souvenirs de certains témoins, des détails qui sont encore présents à leur esprit. Cela a souvent été poignant », raconte Dominique Hennequin. Poignant comme le récit de Firmin Schmitt se remémorant la noria des charrettes de cadavres près du Ban-Saint-Jean. Il avait 14 ans et voyait chaque jour les soldats mener ces sinistres chargements jusqu’aux fosses communes creusées à la hâte à un jet de pierre du « camp de la faim », l’un des principaux lieux de détention du territoire. Chaque année, depuis, cette terre-charnier continue de vomir quelques restes humains. Poignant comme aussi la découverte de toutes les traces laissées en forêt de Châtel-Saint-Germain : fondations maçonnées des baraquements, canalisations éventrées, vaisselles et pierres à eau d’anciens lavabos collectifs aujourd’hui mangés par le lierre et les racines.

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